Etouffement
image: Mary Cassat, The Letter, 1891 / texte: Mamzell' pourrie, 2005
Je fermai l'enveloppe. Et si j'allais commettre une erreur? Et si ce n'était qu'un égarement? Et si ce n'était que sophisme? Le doute, ce sentiment qui me hantait depuis si longtemps, atteignit son apogée.
Je ne sais plus où j'en suis.
Toute ma vie défila dans ma tête pendant que je léchais les bords tranchants de cette enveloppe.
C'en est trop.
Incapable de bouger, trop d'images, de questions, de douleurs s'entremêlèrent dans mon esprit.
"Comme Hamlet, il doutait de tout maintenant, de ses pensées, de ses haines et de tout ce qu'il avait cru" (R.Rolland).
Les yeux rivés sur un point vague, noyée dans des paradoxes, je doutais encore, comme je l'ai fait depuis le jour où j'ai pris conscience de ce qu'était la vie, cette enclume. Epuisée, affaiblie, anéantie, exténuée; comme si le feu s'était emparé de mon coeur et allait gagner mon âme.
Je ne contrôlai plus rien, mes mains posèrent l'enveloppe. Mon corps se leva, traversa la pièce, descendit les escaliers, marcha le long de l'allée, prit le sentier des falaises.
"Il n'y a donc aucun doute qu'après la mort nous verrons Dieu" (Claudel).
Le corps s'arrêta devant la plus haute d'entre elles, son regard fixé sur la lune, il s'envola.